Ultime négociation (extrait de "Contredire en G majeur) On m'a dit qu'il fallait que je fasse comme tout le monde, que je le veuille ou non. Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes étant plutôt du genre rétif, cabochard et mal embouché. Déjà à la naissance, il a fallu venir me chercher. J'étais mal disposé, j'ai même hurlé à peine arrivé.
J'ai quelques raisons de penser qu'il en sera également ainsi plus tard. Mais je vous préviens tout de suite, je serai intraitable. Pas question de partir sans avoir terminé mon noeud de cravate et ma collection de pantoufles. Je m'accomoderai difficilement d'une éternité débraillée et sans confort. Je veux bien mourir, mais avec tous mes accessoires. Il va falloir négocier !
Itnterdit (extrait de "Dires en G mineur")
Il fut un printemps où le paisible étudiant qui se présentait à la fac pour passer ses examens était considéré comme un redoutable activiste fascisant et reçu en conséquence à coups de bâtons. C'est bien fait ! Ses congénères, piquets de grève déguisés en guérilleros, apparaissaient comme des humanistes éclairés, des pacifistes convaincus, de véritables gardiens de la liberté le regard perdu vers des horizons flamboyants. Mon Dieu que c'était beau !
Dans la rue, c’était pareil. Ceux qui lançaient les pavés et autres fleurs des champs étaient des poètes progressistes, certes un peu engagés, et ceux qui les recevaient, des réactionnaires complètement enragés.
Mais chut, n’allez surtout pas le dire quarante ans plus tard, c’est interdit depuis qu’il est interdit d’interdire.
Gris (extrait de "Dires en G mineur")
C'est le nom d'un tableau dont on peut dire qu'il se résume à son titre. C'est de l'art moderne très très contemporain. De nature curieuse, je l'ai tourné dans tous les sens pour vérifier la pertinence du propos. Il est resté gris, quelle que soit sa position.
Grisé par l'émotion, je me suis juré d'en faire autant, mais en écrivant. Je vous présente ci-dessous ma dernière création dont je vous laisse deviner le nom :
X
Loup solitaire (extrait modifié de "Contredire en G majeur")
Court pelage gris, les oreilles en arrière, c'est bien lui. Va-t-il rentrer dans sa tanière ? Tout ce monde avec ses cris et ses chimères ! Est-il bien à sa place ici, fier loup solitaire ?
La parabole est très jolie mais que voulez vous qu'on en fasse ? On pourrait la punaiser au mur ou la suspendre à un ballon sonde. On pourrait aussi l'adresser au Pape ou au Grand Mufti. Il serait également possible d'en faire une épitaphe, un article du code civil, un programme de gouvernement, une déclaration de guerre...
Non, décidément, je préfère la laisser là, comme ça, sans cadre ni rien. Au moins, elle sera lue, si ça se trouve.
Docteur (extrait de "Dires en G mineur")
- Bonjour docteur, je viens pour une consultation.
- Bonjour mon amie, je m’en serais douté, veuillez vous asseoir, que vous arrive-t-il, je vous écoute, espèces, chèque ou carte bleue ?
- …..
- Je vous écoute, hmmm !
- …..
- J’ai dit je vous écoute !
- …..
- Je vous écoute, rognnntudjuuu !
- …..
- Allons bon, la voilà qui chiale ! Reprenons les choses par le commencement et dans le bon ordre : carte bleue, chèque ou espèce ?
Fantasme (extrait de "Dires en G mineur")
En désaccord sur à peu près tout, j’ai songé un moment me retirer dans mon jardin pour y fonder un État battant monnaie, éditant ses timbres et publiant son quotidien.
J‘ai dû y renoncer malgré l’absence d’encouragements. J’avais pourtant la compétence et la volonté, le papier et les rotatives, le temps et l’argent. Mais il me manquait l’essentiel : une armée pour conquérir des territoires et m’assurer un débouché sur la mer. Il me manquait aussi un gouvernement pour faire ce que je dis et des institutions pour me contrarier.
Me voici donc devant vous, armé de mon seul crayon, pour vous dire que je ne baisse pas les bras et compte vous envahir prochainement. Mon éditeur dirigera les opérations et les libraires seront mes ambassadeurs. Mon prix sera le vôtre et ça ne se discute pas !
Contredire (extrait modifié de "Contredire en G majeur")
Je n'entends que des encouragements et ne récolte que des applaudissements. Aucun détracteurs, même en milieu rural, personne pour me rabaisser, me vilipender, m'éreinter. Pourtant je me démène comme un beau diable, je fais de mon plus mal si j'ose dire. J'interviens n'importe où, n'importe comment, à l'improviste, à brûlepourpoint, au débotté. Je dis tout et son contraire, je parle à tort et à travers. J'opine quelquefois, pour surprendre, mais je passe le plus clair de mon temps à interrompre, à contredire, à contrarier.
Comment ça vous vous en fichez ?!
